Théophile Gelée
1) Gelée emphasises that he is about to relate a true story
The tone of the Letter to the Reader appears almost Rabelaisian with Gelée wanting to ensure that his readers will believe his tale, however unlikely it may seem. Yet his Biblical reference to someone who may want to « touch the scar with his hands » (an echo of Thomas's words to the resurrected Christ) is light years away from comic or obscene fiction. It is a first indication of the religious interpretation Gelée will place upon this miraculous occurrence.
TO THE READER
If people chance to doubt the truth of this story, the author offers to prove it through a medical examination and the evidence of their eyes provided only that they are willing to come to the village where the woman in question lives. For the author will not only allow them to see with their own eyes and touch with their hands the scar which marks the place where the ulcer and incision were, but he will also let them hear, both from the account given by the woman and her husband and from the reports of a great number of trustworthy people, that there is nothing in this short account which is not true [...]
1) Gelée insiste qu'il s'agit d'une histoire vraie
Le ton de l'épître au lecteur semble être presque rabelaisien : Gelée veut à tout prix qu'on croie le récit qui va suivre, aussi invraisemblable qu'il puisse paraître. Cependant, la référence biblique à celui qui voudrait « toucher de ses mains la cicatrice » est aux antipodes de la littérature facétieuse, car elle évoque l'apôtre Thomas qui doutait du Christ ressusité. En effet, le texte sera fortement marqué par la conviction religieuse de l'auteur.
AU LECTEUR
SI d'avanture quelqu'un entre en doute de la verité de ceste Histoire, l'Auteur s'offre de la luy verifier par l'autopsie et inspection oculaire, pourveu qu'il vueille se transporter au village où ladite femme fait sa demeure : car il luy fera non seulement voir de ses yeux et toucher de ses mains la cicatrice, restée au lieu de l'ulcere et de l'incision : mais aussi apprendre tant par le recit de ladite femme et de son mary, comme par le tesmoignage et rapport d'un grand nombre de gens de bien et d'honneur, qu'il n'y a rien en tout ce petit discours qui ne soit veritable. [...]
2) According to the author, this story displays the workings of divine providence
At the beginning of the tale, Gelée again point out that the case he will unfold is both true and incredible. Like many authors of this period, he sees this 'wonderful accident' as an example of God's providence in that it was divine omnipotence which allowed the surgeons and physicians to save the woman.
[...] here (in order that we may not lose from memory the abundant favours accorded by divine benevolence to one of God's creatures, as witnessed by a great number of people) we are simply recording in this short account the history of a strange and wondrous accident which befell a pregnant woman about to give birth. The faithful account of such an amazing event should lead us to sing aloud the praises of God's compassionate goodness towards the human race. And we should also be moved to have charitable pity, taking care of the sick, and especially of women who suffer the pains of birth, sometimes even at the cost of their own lives. But it is time now to begin our little story.
2) Selon l'auteur, cette histoire démontre les effets de la providence divine
Au début du récit, Gelée souligne de nouveau combien le cas qu'il va exposer est à la fois vrai et incroyable. A l'instar de beaucoup d'auteurs de l'époque, il voit dans cet « accident merveilleux » un exemple de la providence de Dieu, celui-ci ayant démontré sa toute-puissance en permettant aux chirurgiens et aux médecins de sauver cette femme.
[...] nous representerons seulement icy (pour ne point ensevelir dans l'oubly la memoire des graces que la benignité divine a fait à la veue d'une infinité de personnes decouler abondamment sur une de ses creatures) en ce petit discours l'Histoire d'un accident estrange et merveilleux survenu à une femme enceinte sur le point de son accouchement, afin que par le fidele narré d'un evenement tant esmerveillable, nous soions d'une part ayguillonnez à haut louer la misericordieuse bonté de Dieu envers le genre humain : et d'autre costé touchez d'une charitable compassion pour secourir les mallades, et notamment les femmes qui sont en peine d'enfant jusques au dernier soupir de leurs vies [.]. Mais il est temps de commencer nostre petit discours.
Gelée narrates the aborted birth in a sober, precise manner, with no indication yet of the dramatic conclusion to come. Like Simon de Provanchières, he notes the 'humble station' of the mother. It seems significant that God has chosen such a woman to show his mercy. Since this is the mother's tenth pregnancy, the reader senses she would not easily be deluded by strange fancies.
Marion des Hayes (wife of Jean Gel, a country man of lowly station, dwelling in the village of Neufville, some quarter of a league from Dieppe), and of the age of forty-two or thereabouts, was pregnant for the tenth time. She enjoyed good health through her pregnancy right up to the day when she believed she was due to give birth, the 25th February 1611. On this day, she suffered pains in her lower abdomen in the morning, and expected to give birth easily as she had done in all her other labours. So she summoned the midwife and several of her female relatives and neighbours to attend her. But these pains produced no more than some contractions, so that the midwife left and said she would return in the evening. When she was called back, she found the patient very troubled by pains in her back and her whole lower abdomen, and a little while later the membranes around the child gave way, her waters broke, and she lost a lot of blood, which left her very weak. Yet the child showed no signs of coming out, and from this point on neither the mother nor the midwife felt any movement from the child to make them think it was still alive. Three or four days later, the discharges ceased, and the patient regained some of her strength, taking back on her household tasks among her young family, not knowing what she should make of her pregnancy. But she was still severely troubled by pains in her whole body and a great heaviness in the area of her womb and genital region. This continued until the 15th March, when she suffered another great loss of blood from the womb, and then a continual loss of bloody and rotten matter, which, however, according to the patient, did not smell particularly unpleasant. This made her so weak that she was obliged to keep to her bed until mid-April, when the discharge had somewhat eased, and she started to get up again and to work around the house, but without feeling much stronger [...]
3) La femme pense accoucher, mais l'enfant ne se présente pas
Gelée raconte l'accouchement manqué dans un style sobre et précis ; rien n'indique encore que le cas se prêtera à un dénouement des plus dramatiques. Comme Simon de Provanchières, il note la « basse condition » de la femme. D'une part, on dirait qu'une telle femme - qui en est à sa dixième grossesse - ne se laisserait pas aller à des fantaisies extravagantes, et d'autre part il semble être significatif que Dieu a choisi une femme simple pour témoigner de sa bonté.
Marion des Hayes (femme de Jean Gel homme rural et de basse condition, demeurant au village de Neufville, distant d'un quart de lieue de Dieppe) aagée de quarante deux ans ou environ, estant devenue enceinte pour la dixiesme fois, porta en bonne santé son fruict jusques au jour et terme qu'elle s'estoit proposé pour accoucher, qui estoit le vingt cinquiesme jour de Febvrier mil six cents unze, auquel jour des le matin estant saisie de quelques douleurs de ventre, et cuidant enfanter facilement comme elle avoit fait toutes les autres fois, elle fit venir la sage femme et quelques siennes parentes et voisinnes pour l'assister : mais cet effort s'estans passé sans autre chose que quelques trenchées la sage femme s'en tourna jusques vers le soir, qu'estant rappellée elle trou[v]a la patiente fort vexée de douleurs aux reins et par tout l'hypogastre, et quelque temps apres les envelopes de l'enfant estans rompues les eaux s'escoulerent et perdit beaucoup de sang, dont elle demeura fort foible, sans que pour cela l'enfant se presentast en aucune façon pour sortir ny que la mere et la sage femme ressentissent de là en avant aucun mouvement de la part d'iceluy, qui leur fit croire qu'il n'estoit plus vivant. Trois ou quatre jours apres les vidanges s'arresterent, et la patiente ayant un peu repris de forces, se remit à faire son mesnage parmy sa petite famille, sans sçavoir ce qu'elle devoit juger de sa groisse, se trouvant cependant fort incommodée à raison des douleurs qu'elle sentoit par tout le corps, et de la pesanteur grande qui l'oppressoit au petit ventre et dans les parties honteuses, et continua à se deporter ainsi jusques environ le quinsiesme de Mars, qu'elle fut reprinse d'une grande perte de sang de la matrice, qui fut suivie d'un continuel decoulement de matieres sanieuses et purulentes, qui toutefois au dire de la patiente, n'avoient point grande puanteur : ce qui la rendit si foible qu'elle fut contrainte de ne bouger du lict jusques à la my-Avril, que l'evacuation desdites matieres estant aucunement diminuée, elle commença à se lever et deporter par la maison sans se beaucoup renforcer. [...]
We now reach the crucial point in the story, when the husband discovers the remains of the foetus. Gelée recounts the discovery from the husband's perspective, but retaining a very factual style. However, when the first surgeon appears, the focus changes and greater medical detail is given.
She continued in this wretched state up to the 9th September, with her husband cleaning and bandaging her every night (for they were too poor to call upon physicians or surgeons). Then, when he was wiping away the muddy discharge issuing from the ulcer around her navel, he felt a little bone (it was one of the parietal bones which had come away because of the decomposition). He pulled it out and found skin with some hair, which led him to recognise that it was the head of the child whose existence he had doubted for so long. Being completely stunned, he sent at all speed to Pollet (on the outskirts of Dieppe) to fetch a reliable, skilled surgeon, by the name of Jean Colas whose practice is there. Having observed and examined the patient and listened to her account and that of the others present, Colas recognised the truth of the matter. He exhorted the woman to remain of good cheer, and said they would delay proceeding until the next morning since he did not wish to undertake such a dangerous operation without help and good advice.
Nous arrivons maintenant au moment clé où le mari découvre ce qui reste du foetus : Gelée continue à raconter l'épisode selon la perspective de celui-là, sans pour autant quitter le ton sobre du récit. Cependant, avec l'arrivée du premier chirurgien, la focalisation va changer : nous aurons ensuite droit à beaucoup plus de précisions médicales.
Ayant continué en ce miserable estat tout jusques [au] neufiesme de Septembre, comme son mary la pensoit le soir (car la pauvreté l'avoit empesché d'emploier les Medecins et Chirurgiens) et qu'il essuioit la boue qui sortoit de l'ulcere du nombril, voicy qu'il [s]entit un petit os qui se presentoit (qui estoit l'un des parietaux qui s'estoit separé par la pourriture) et l'ayant tiré dehors, il descouvre la peau chevelue, et recognoit par là, que c'est la teste de l'enfant duquel il avoi[t] esté si long temps en doute. Estant donc tout esperdu, il envoye en dilligence au Pollet faux-bourg de Dieppe, querir un honneste et habille Chirurgien, nommé maistre Jean Colas, qui y tient sa boutique, lequel ayant recognu tant par la veue et le tact, que par le recit de la patiente et des assistans la verité de la chose : et donné bonne esperance à la malade, remit le reste au lendemain, ne voulant entreprendre une operation si hasardeuse sans ayde et bon conseil.
5) Gelée and the three surgeons decide a caesarean operation is the only way to save the mother's life
As soon as the narrative turns to the three surgeons and the physician (Gelée himself), the reader is made aware of their authority. The mother is now spoken of as 'this poor creature', even if we are invited to admire her courage. Gelée alludes to a Latin work by Mathias Cornax (Medicae consultationis apud aegrotos, Basle, 1564), although he does not give the precise reference. However, in the light of heated debates at this time over the viability of caesareans when the mother is alive, it is probable that an informed reader would recognise the name.
On the 10th September, the patient's husband and Colas, the surgeon, requested one of the master-surgeons of this town, David Canu, an experienced and very skilled practitioner, to assist them, and together they called me in to give them my opinion on this case. There was also another reliable surgeon present, Jean Aumont, who normally serves at sea, and he assisted with the operation, and is an eye-witness and can testify, along with the other two surgeons, to the truth of this tale.
 
So, as we made our way, the husband related to us the various things which had happened to his wife and her present troubles. We recalled the stories outlined by Matias Cornax, a very learned physician, which appear at the end of his book on The Way to Conduct Examinations of Patients. They fitted the present case very well in many respects, which gave us reason to hope that we could do something for the wellbeing and safe delivery of this poor creature. And we were encouraged in this view when we found that she was in quite good strength, had a regular, strong pulse, and was so determined that she herself asked us to open her abdomen in order to relieve her of the wretched state she had endured for such a long time.
5) Avec les trois chirurgiens, Gelée décide qu'il faudra avoir recours à une opération césarienne
Lorsque les chirurgiens et le médecin (dans l'occurrence, Gelée lui-même) entrent en scène, le lecteur est d'emblée conscient de leur autorité. La femme devient dès lors « ceste pauvre creature », dont le courage se laisse néanmoins admirer. Gelée cite en passant le livre de Mathias Cornax (Medicae consultationis apud aegrotos, Bâle, 1564), mais sans donner de référence précise. Or, puisque l'opération césarienne se prête toujours à de fortes controverses, il est hautement probable qu'un lecteur instruit reconnaîtrait ce nom.
Le dixiesme de Septembre estant venu, le mary de la patiente et ledit Colas Chirurgien, prierent un des maistres Chirurgiens de la ville, nommé David Canu, homme expert et habille practicien de les assister, et tous ensemble m'appellerent pour leur donner mon advis sur l'affaire qui se presentoit. Là se trouva aussi un honneste Chirurgien nommé Jean Aumont, qui d'ordinaire va à la mer, lequel assista à l'operation, et est tesmoin oculaire avec plusieurs autres, de la verité de ceste Histoire.
 
Or comme le mary nous deduisoit sur le chemin les accidens et passez et presens survenus à sa femme, il nous vint à souvenir des histoires descriptes par Matias Cornax tresdocte Medecin, lesquelles sont adjoustées à la fin de son livre De la Maniere de faire les consultations chez les malades, qui raportent en beaucoup de choses extresmement bien avec la presente : ce qui nous fit esperer qu'on pouroyt essayer quelque chose pour le bien et la delivrance de ceste pauvre creature et fumes davantage confirmez en nostre opinion, quand nous luy trouvasmes les forces assez bonnes, le poux esgal et fort, et le courage si ferme qu'elle mesme nous invitoit de luy ouvrir le ventre afin de la tirer de la misere où elle se voyoit reduite depuis un si long temps.
6) They prepare for the operation and then expose the womb
We now have the description of a caesarean operation carried out on a living woman. Gelée seeks to provide all the surgical details which surgeons and physicians might require, but also contrives to keep the interest of non-specialist readers. His reference to Aristotle is clearly aimed at professionals, but his explanations of the choice of the site for the incision is kept simple enough to be accessible to all readers. Interestingly, we are now distanced from the mother; she is referred to as 'the patient', and her personal identity during the operation disappears as references are made instead to her body, skin and internal organs.
After having lifted the dressing which Colas had applied the previous evening, we saw that the opening was round and almost the size of a closed fist; it had destroyed almost all the navel, and the head of the child was clearly visible. So (following Hippocrates's advice in Aph.21.lib. I), we resolved to take the path which Nature was demonstrating, that is to say, to widen the opening by making an incision, and thus to remove the dead child.
We told the husband and the others present of our deliberations, advising them that this was the only way to save the woman, and saying it was better to undertake this operation, uncertain though its outcome might be, rather than to abandon her to an inevitable and possibly painful death. We had little difficulty persuading the patient to accept something to which she was herself favourably inclined, since she had already come to believe that this was the only possible way of recovering her health.
There was a small controversy over the place to choose for the incision, some wishing to use the right side since this was where most of the wound around the navel lay. But others argued for the left since the liver, a very large and most important organ, fills almost the whole of the right-hand side of the hypochondrium, which might have stood in the way of the incision and extraction of the child. We finally resolved to make the incision on the left, starting from the lower part of the wound at the site of the navel, and - in order to avoid the aponeuroses of the epigastric muscles which end at the white line - we would cut diagonally towards the groin for about six or seven finger widths. This was accomplished with all the success and skill one could possibly wish for. Having positioned the patient on her back, with her lumbar region and sacrum higher than either her head or feet, in order to stretch the womb as taut as possible to permit a good incision, we first cut the skin, adipose tissue, epigastric muscles and peritoneum with a razor; and then the womb revealed where it had burst and rotted away because of the ulcer and the pus.
6) Ils préparent l'intervention et puis exposent la matrice
Nous voici en face de l'opération césarienne sur une femme vivante : Gelée cherche à la décrire avec toutes les précisions chirurgicales dont voudraient des chirurgiens ou des hommes de l'art, sans pour autant ennuyer les lecteurs qui ne ne soient pas professionnels de la médecine. La référence à Aristote est destinée au premier groupe ; les commentaires assez simples sur le choix du lieu de l'incision, au second. Notons que la femme est quasi reléguée à l'arrière-plan : elle est devenue « la malade », et ce sont le corps, la peau, les organes qui constituent son identité lors de l'intervention.
Apres avoir levé l'appareil que ledit Colas y avoit appliqué le soir precedent, veu l'ouverture ronde de la grandeur de quasi tout le fond de la main qui avoit emporté tout le nombril, et recognu manifestement que c'estoit la teste de l'enfant qui se presentoit, la resolution fut de suivre (selon le conseil d'Hyppocrate, Aph.21.lib. I) le chemin que nature nous monstroit et d'amplifier l'ouverture par une incision, afin de tirer l'enfant mort par icelle.
La deliberation communiquée au mary et aux assistans, et à eux remonstré comme il n'y avoit que ceste unique voye pour la garantir, et qu'il valloit mieux entreprendre ceste operation perileuse avec quelque incertitude de l'issue que d'abandonner la malade à une mort inevitable et incertaine. Nous n'eusmes point beaucoup de peine à disposer la patiente à une chose où elle estoit portée d'elle mesme de son propre mouvement, s'estant desjà persuadée que le recouvrement de sa santé consistoit en ce seul remede.
Sur le lieu de l'incision se leva une petite difficulté, les uns la voulant faire au costé droit[e], d'autant que l'ouverture du nombril occupoit d'avantage ledit costé ; et les autres au rebours au gauche, à raison que le foye viscere tres-noble et tres-grand, remplissant quasi tout l'hypocondre dextre, pouvoit donner quelque empeschement à faire l'incision et à extraire l'enfant. Finalement la resolution fut qu'on feroit l'incision au flanc gauche, qu'on la commenceroit à la partie inferieure de l'ouverture umbilicale, et pour esviter les aponeuroses des muscles de l'epigastre qui se terminent à la ligne blanche, qu'on la meneroit en descendant obliquement vers l'aine, la faisant de la longueur de six ou sept travers de doigts. Cela fut executé avec tant de dexterité et d'heur qu'il n'est point possible de plus : car aprez avoir situé la malade tout de son long sur le dos, en telle sorte qu'elle avoit les lombes et l'os sacrum plus eslevez que la teste ny les pieds, afin de bander de plus en plus tout le ventre, pour favoriser l'incision, on couppa premierement avec le rasoir la peau, le panicule adipeux, les muscles de l'epigastre et le peritoine : et alors la matrice vint à monstrer son fond crevé et tout pourry à raison de l'ulcere et du pus.
7) The operation is entirely successful
Unlike Simon de Provanchières, Gelée provides only a summary description of the state of the foetus. He is more interested in the medicines given to the mother which allow her - against all the odds - to make a full recovery. Does this different focus result from the fact that in Gelée's case the foetus had not been in the womb for nearly such a long time, or is it because he is reporting on a caesarean carried out on a living woman, whereas Provanchières had recorded an autopsy on a dead woman?
Having made an incision in the said body of the womb, starting at the site of the ulcer and going towards the neck of the womb, the Surgeons seized the child by the head and pulled it out in one piece. Then they cleared the womb of all foreign matter they found there, including clots of blood, rotting membranes, a few small bones and much very foul-smelling waste. And they cleaned it with a mixture brewed by boiling basket flower, wormwood, mugwort, red roses and camomile in red wine, and finally they stitched the abdomen, dressing it and treating it thereafter with such success and care that in less than four moths, contrary to all expectations, she was so fully cured that she was left with only the mark of the scar. Indeed, she has her regular monthly periods just as she did when she was twenty-five, and it seems there is no reason why she should not be able to conceive and bear to full term other living children (as did the woman whose story Cornax relates), except perhaps for her age and that of her husband who is approaching old age.
7) L'opération réussit à merveille
A la différence de Simon de Provanchières, Gelée ne fournit qu'une description sommaire de l'état du foetus. Ce qui l'intéresse davantage, ce sont les médicaments proposés à la mère, qui ont permis à celle-ci de se rétablir contre tout espérance. Est-ce parce que chez Gelée le foetus n'est dans l'utérus que depuis des mois, ou est-ce le fait qu'il s'agissait d'une opération césarienne sur une femme vivante (chez Provanchières on avait fait l'autopsie d'une femme morte)?
Ayant fait une incision sur ledit fond de la matrice en commençant par l'ulcere, et menant vers son orifice, les Chirurgiens empoignerent l'enfant par la teste et le tirerent tout entier, puis ils vuiderent de la matrice tout ce qu'ils y trouverent d'estrange, comme sang caillé, membranes pourries, quelques osselets et beaucoup de boue tres puante, et la fomenterent avec une decoction faite de centaure, absinte, armoise, roses rouges, et camomille, bouillies en gros vin vermeil, et finalement, ils firent la gastroraphie, en la pensant et medicamentant depuis avec tant d'heur et de vigilance, qu'en moins de quatre mois elle fut (contre toute esperance) si parfaitement guarie qu'il ne luy est rien resté que la marque de la cicatrice, estant mesmes tous les mois reglée de ses fleurs et menstrues, non autrement qu'elle estoit en l'aage de vingt-cinq ans : de sorte qu'il ne semble pas qu'il y ait rien qui la puisse garder de concevoir et porter enfans vivants et à terme (comme fit celle dont le susdit Cornax recite l'histoire) si ce n'est paravanture l'aage tant d'elle que de sondit mary qui avance beaucoup sur le declin.
8) Gelée describes the state of the foetus and the recovery of the mother
Gelée now offers his comments on everything he witnessed: the foetus, the mother's body and the surgical operation. He moves between strictly scientific observations and more personal remarks, but never strays into the realm of sensationalism. He is clearly fascinated by what is 'miraculous' and exceptional, sharing a common scientific and medical preoccupation (especially widespread since the 1570s and 1580s) with exceptional cases. Gelée is more convinced than some of his contemporaries would have been by the traditional view that this case should be interpreted as a reassuring demonstration of divine omnipotence.
Now when we said that the child was extracted whole from the womb, we were referring only to the solid, hard parts of the body, such as the bones, cartilage, ligaments and so forth. For the soft tissues, and the flesh covering all the organs and muscles, the guts and other internal organs had almost all dissolved into pus and rotting matter which drained away either through the vagina or the abcess and wound at the navel, these being the two ways through which Nature, desiring to preserve the life of this woman, allowed the decaying matter which kept being produced to be expelled. But the bones of the child could be seen in their entirety, apart from the parietals and a few tarsal bones of one of the feet, which had become separated from the rest through the decay or from some other reason.
And we should not overlook the fact that the said child still had one foot intact, almost undamaged, whereas the other had become so decomposed that all the soft tissues had disappeared, and even the solid, hard parts had changed composition and become so affected that they no longer held together. This seems to me quite strange, and worthy of the attention of some intelligent person who will be able to discover the reason why. It should also be noted that in undertaking this dangerous, difficult operation, there was no haemorrhage nor any notable loss of blood to worry the Surgeons, except from one small artery in the epigaster which had been opened when the incision was made, and this was immediately stopped with a single stitch.
And what seems even stranger to me is that the patient, although weakened and semi-conscious, never fell into unconsciousness or fainted; and she bore the incision made into the body of the womb, the peritoneum, the abdominal muscles, the fleshy tissues (all parts of the body which are extremely sensitive) and then the stitches to these last parts, almost as though she felt no pain, in such a way that is seemed God and Nature had wanted to use this woman to demonstrate the special care they take of pregnant women. Which should console women and encourage them to expect that our all-powerful, all-good and infinitely merciful God will accord them a similar delivery if they are subject to a difficult and painful labour.
8) Gelée décrit l'état du foetus et la guérison de la mère
Voici le commentaire de Gelée sur tout ce qu'il a vu : le foetus, le corps maternel, l'intervention chirurgicale. Les observations strictement scientifiques font parfois place à des réflexions plus personnelles, sans pour autant jamais frôler le sensationnel. Gelée scrute le côté « merveilleux », est fasciné par ce qui fait exception aux règles. C'est courant à une époque où (depuis les annés 1570-1580) les hommes scientifiques, et parmi eux les médecins, sont de plus en plus portés vers les cas exceptionnels. Cependant, tous n'admettraient pas aussi facilement que Gelée l'explication traditionnelle selon laquelle il s'agit d'une manifestation rassurante de la toute-puissance divine.
Or quand nous avons dit que l'enfant fut tiré tout entier de la matrice, cela se doit seulement entendre pour le regard des parties solides et dures telles que sont les os, cartillages, ligamens et semblables : car quand aux molles et sanguines, comme sont les chairs de toutes les visceres et muscles, les boyaux et autres parties contenues, elles s'estoient la plus part escoulées en pus et pouriture, tant par la partie honteuse que par l'abscez et ouverture du nombril, qui sont les deux voyes par lesquelles Nature soigneuse de la conservation de l'individu, faisoit l'expurgation des matieres corrompues qui en decouloient continuellement : mais les parties osseuses se voioyent toutes entieres, horsmis que l'un des parietaux et quelques os de l'un des tarses s'estoyent separez de leur tout, par la pourriture ou quelque autre cause et effort.
Et ne faut passer sous silence que le dit enfant avoit l'un des pieds fort entier, et sans estre quasi endommagé, là où au contraire l'autre estoit tellement consommé par la pourriture qu'il n'avoit plus de parties molles les solides et dures estans mesmes alterées et interessées jusques à se separer les unes des autres : qui me semble une chose assez estrange, et bien digne d'occuper quelque bel esprit pour en rechercher la cause. Il faut aussi noter qu'en faisant ceste operation si hazardeuse et difficile, il n'y eut aucune haemorrhagie ny perte de sang notable qui donnast destourbier aux Chirurgiens, excepté une petite artere du rameau epigastrique, laquelle ayant esté ouverte et faisant l'incision fut incontinent arrestée avec un point d'aiguille.
Et ce qui me semble encore plus estrange, c'est que la mallade, bien qu'attenuée et debille, ne tomba jamais en syncope ou defaillance, et qu'elle supporta l'incision du corps de la matrice du peritoine, des muscles de l'abdomen, du paniculle dit charneux et du cuir (qui sont toutes parties de sentiment exquis et fort vif) et la cousture des trois dernieres sans faire quasi semblant de sentir aucune douleur, tellement qu'il semble que Dieu et la Nature ayent voulu faire voir en ceste femmelette, un eschantillon du soin special qu'il a des femmes enceintes : ce qui leur doit servir de consolation, et les disposer à attendre de Dieu tout-puissant, tout-bon, et infiniment misericordieux, pareille delivrance quand elles se verront reduites à quelque accouchement difficile et laborieux.
9) Gelée again praises divine providence
In the conclusion to the treatise, the focus shifts again, leaving aside the human characters (the mother, husband, foetus, surgeons, Gelée himself) so that we may contemplate and wonder at the workings of Nature, and ultimately of God. Thus the account takes on the dimensions of a moral exemplum in which the moral is ultimately more important than the story. This is partly why, at the outset, Gelée underlined the truth of what he was recording, and why he avoided including too many gory details along the way. Unlike certain of his contemporaries - in particular Jacques Duval - he is certainly not seeking to appeal to a morally reprehensible idle curiosity. Gelée stands shoulder to shoulder with theologians in his approach and interpretation.
Young physicians and surgeons who may one day themselves be confronted by such a problem will be able to learn from this example and imitate it if they are faced by a real emergency, but they must make sure that they do not undertake such an operation rashly without having first weighed up and reflected upon all the circumstances which might lead them either to follow or to refrain from such a course of action. They will agree with me that we must admire the singular providence of Nature and her incredible skill in finding ways to remove that which is harmful to her. For seeing that it did not suffice to expel through the neck of the womb alone so much waste matter as was produced by the decomposition of the parts of the child, the membranes and the placenta, and knowing that such decomposed matter could not remain within the woman's body without a probablility of imminent death, this most prudent worker, without any training or advice from anyone, instinctively and independently found a way through the body of the womb, the peritoneum, the epigastric muscles and finally the soft tissues and the skin to allow a second route for the decomposed matter to escape. Had Nature not acted in this way, it would otherwise have been unable to subside, and in a short while would have become even more rotten, foul-smelling and noxious, and if it had been transported thus by the veins, arteries, nerves and other hidden conduits, and reached the brain, heart and liver, the main organs, essential to life, and which have an affinity and very close relationship with the womb, in a few days the poor patient would have been laid to rest in a tomb. Nor would she eventually have avoided this fate (for these two escape conduits were not sufficient to discharge the foreign matter) had God not completed his work by external means, using the hands of his ministers and servants who carried out this caesarean section, which Nature alone could never have accomplished by herself. To Him therefore and to the Holy Ghost be now and for ever honour, glory and praise through Jesus Christ his dearly loved Son and our Lord, Amen.
9) Gelée fait de nouveau l'éloge de la providence divine
La conclusion nous éloigne de tous les personnages humains (la mère, son époux, le foetus, les chirurgiens, Gelée lui-même) pour nous inviter à admirer la Nature, et derrière celle-ci Dieu. Le récit ressemble ainsi à une histoire morale, car la leçon est en fin de compte plus importante que le conte. C 'est en partie la raison pour laquelle Gelée a instisté sur la vérité de son histoire, et a évité de donner trop de détails sanglants. A la différence de certains de ses contemporains - nous pensons particulièrement à Jacques Duval - il ne cherche surtout pas à attiser une curiosité oisive ; il se range avec les théologiens les plus sages.
Les jeunes Medecins et Chirurgiens, qui ne se sont jamais trouvez en telle difficulté, pourront faire leur profit de cet exemple et le mettre en pratique quand l'urgente necessité les y obligera, se prenans garde soigneusement de n'entreprendre une telle operation avec precipitation, et sans avoir premierement consideré en leur esprit et murement balancé toutes les circonstances qui les peuvent induire ou à entreprendre ou à quitter l'execution d'un tel dessein. Cependant ils admireront icy avec moy la providence singuliere de Nature, et son industrie inimitable à trouver des moyens et chemins pour chasser hors les choses qui luy sont nuisibles : car voyant que la voye par le col de la matrice ne suffisoit point à purger une si grande abondance de boue comme estoit celle qui resultoit de la putrefaction des parties de l'enfant et des secondines ou arriere faix, et cognoissant qu'une si grande pourriture ne pouvoit estre retenue au dedans sans un danger apparent de mort prochaine : ceste ouvriere industrieuse, sans avoir fait aucun apprentissage ny prins conseil de personne, vint de son instinct et propre mouvement, à percer premierement le fond de la matrice, puis le peritoine et les muscles de l'epigastre, et finallement le panicule adipeux et le cuir, pour donner issue par ceste seconde ouverture à la matiere corrompue, laquelle autrement estant retenue à faute de difflation et de ventilation, eut en peu de temps acquis une plus grande putrefaction, puanteur et venenosité, qui estant portée par les veines, arteres, nerfs et autres souspirails occultes, et communiquée au cerveau, au coeur et au foye parties nobles, totalement necessaires à la vie, et qui ont une simpathie et alliance tres-estroicte avec la matrice, eut dans peu de jours couché la pauvre patiente au tombeau : Ce qu'elle n'eut pas mesme esvité à la longue, (ces deux emissaires n'estans point bastants pour mettre hors les choses estranges) si Dieu n'eut parachevé par les moyens externes et par les mains de ses ministres et serviteurs en l'administration de ceste section Caesarienne, ce que la nature toute seule et d'elle mesme n'eut jamais peu accomplir. A luy donc et au Sainct Esprit soit maintenant et à jamais honneur, gloire et action de graces par Jesus Christ son bien aimé fils nostre Seigneur : Amen.